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BANEL ET ADAMA

Pour son premier film, la réalisatrice d’origine sénégalaise Ramata-Toulaye Sy signe une histoire d’amour tragique et universelle.

 

L’anatomie d’une chute, bis repetita. Premier film en forme de fable africaine, Banel et Adama offre un étonnant contrepoint au film palmé d’or de Justine Triet. L’histoire d’un jeune couple qui se délite sous le poids des traditions et des malédictions.

 

« J’avais envie d’écrire une grande d’histoire d’amour tragique dans laquelle chacun pourrait se reconnaître », précise Ramata-Toulaye Sy, sélectionnée en compétition à Cannes pour ce film dont le scénario lui a permis de décrocher son diplôme de la Fémis. « Je voulais, poursuit-elle, que cette histoire se déroule au Sénégal, pays dont mes parents sont originaires. J’y voyais là un geste politique. »

 

Pas de désir de migration dans Banel et Adama. Les deux jeunes mariés n’envisagent de sortir de leur village que pour emménager à deux dunes de là, dans des ruines de maisons qu’ils se sont mis en tête de débarrasser du sable qui les a ensevelies.

 

Banel et Adama se contenteraient bien de vivre d’amour et d’eau fraîche. Mais quand l’eau vient à manquer, que la canicule s’installe et que la sécheresse décime les troupeaux, le village invoque une malédiction qui va se retourner contre eux.

 

 

Une héroïne plus cruelle que prévu

Comment échapper au déterminisme social et familial (Adama est né pour devenir le chef du village et Banel pour lui donner un fils) tout en brisant les croyances qui poussent à voir leur désobéissance comme la cause de la catastrophe qui s’abat sur le village et plus largement sur l’Afrique ? Conséquences : Adama va trahir la promesse faite à Banel qui, de son côté, va se révéler plus cruelle que prévu.

 

« Au début, on voit Banel seulement comme une rebelle, raconte Ramata-Toulaye Sy. Mais le film ne traite pas de son émancipation – car pour moi, Banel est déjà libre. » Alors qui est cette femme ? Une héroïne « étrange et passionnée » que la réalisatrice compare à Médée. Capable de tuer, par amour ou par dépit amoureux.

 

Ramata-Toulaye Sy a raison de laisser son film se dérouler comme une fable universelle plutôt que de pointer quelques responsabilités que ce soit dans le dérèglement climatique auquel le film fait penser, bien évidemment, ou dans les vagues de migrations dont il n’est pas question dans le film, même si on les devine.

 

C’est avec la même délicatesse que la cinéaste évoque, in fine, la chute d’un continent qu’elle ne date pas d’hier, par une référence aussi discrète qu’assumée.

(Stéphane Leblanc, 20 Minutes, publié le 29/08/2023)