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LA CHAMBRE DE MARIANA

Mélanie Thierry et le jeune Artem Kyryk sont époustouflants dans ce film poignant et nécessaire.

 

Emmanuel Finkiel avait déclaré qu’il ne ferait plus de films sur la Shoah après Voyages et La Douleur. Un roman d’Aharon Appelfeld publié en 2006 a changé la donne. La Chambre de Mariana lui permet de retrouver Mélanie Thierry et de révéler le jeune Artem Kyryk pour conter l’histoire d’une prostituée qui accepte de cacher un enfant juif de 12 ans dans le placard de sa chambre.

 

Dans l’Ukraine de 1943, la relation entre la femme et l’enfant s’épanouit tandis que la guerre fait rage autour d’eux au risque de les emporter dans son torrent meurtrier. « J’ai cru à un moment donné qu’on avait trop parlé du passé et qu’on avait fait le tour du sujet, déclare Emmanuel Finkiel à 20 Minutes. Et puis l’actualité est devenue folle et ce film m’est apparu comme une nécessité. Ce n’est pas moi mais le monde qui a changé ». Ce qu’il montre de la guerre fait l’effet d’une piqûre de rappel nécessaire.

 

Appréhender l’époque

Le gamin dissimulé entend d’abord plus qu’il ne voit les horreurs qui l’entourent. Il est le témoin des brutalités subies par sa protectrice, connaît sa tendresse parfois mais aussi sa fureur. « Il imagine la présence rassurante de sa famille autour de lui mais finit par se confronter au réel, explique le réalisateur. Je souhaitais que le spectateur en fasse de même pour appréhender cette époque. C’est un film sur le regard et la perception qu’on peut avoir des choses ». Les visions du garçon convoquent ses parents disparus dont on comprend immédiatement qu’il ne les reverra jamais.

 

« La Chambre de Mariana parle du désir de vivre un sujet qui a été peu traité et que je n’avais pas abordé auparavant », explique le réalisateur. Cette force vitale qui anime les personnages imprègne le film tout entier. La menace constante planant sur eux communique une urgence palpable à leurs interactions.

 

Un don de vie

Les deux héros mis au ban de la société trouvent un réconfort à la fois solide et fragile dans leur relation au point que la femme finira par offrir au garçon la seule chose qui lui reste : son corps. « Je comprends que cela puisse choquer à l’aune des valeurs d’aujourd’hui, déclare Emmanuel Finkiel. Cette pulsion de vie qui les habite est dictée par les circonstances. Elle lui fait un don de vie et d’amour au milieu des morts parce qu’elle n’a plus rien d’autre à partager et qu’elle se doute de sa destinée ». Cette scène filmée avec une pudeur extrême (et en présence de la mère d’Artem Kyryk sur le plateau) n’a rien de scabreux.

 

Mélanie Thierry, impeccable, trouve l’un de ses plus beaux rôles en retrouvant le réalisateur de Je ne suis pas un salaud et de La Douleur. « On a beaucoup discuté, insiste Emmanuel Finkiel et cela d’autant plus qu’elle est mère de garçons qui ont l’âge du jeune héros. Nous étions d’accord pour le traitement de cette séquence et son importance ». Loin d’être malaisant, ce bref moment tire des larmes quand la sanction, terrible, tombe sur la jeune femme, victime idéale de la violence qu’elle soit allemande ou russe. La Chambre de Mariana n’est pas qu’un beau film. C’est aussi un cri d’alarme contre la barbarie d’hier et d’aujourd’hui.

(Caroline Vié, 20 Minutes, publié le 24/04/2025)

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