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AMÉLIE ET LA MÉTAPHYSIQUE DES TUBES

Premier long-métrage de Mailys Vallade et Liane-Cho Han et déjà un chef-d’œuvre du cinéma d’animation.

 

Au cinéma la Turbine, à Annecy, la file d’attente s’étend jusqu’au bord de la route. Les festivaliers se sont déplacés en masse pour découvrir Amélie et la métaphysique des tubes. Un film sur l’enfance dans un Japon toujours habité par le douloureux souvenir de la Seconde Guerre mondiale.

 

Dans la salle, les avions en papier volent lorsque soudain un spectateur crie à la volée :« Il va faire tout noir ! » C’est ce qu’on dit au Festival international du film d’animation lorsqu’une projection s’apprête à commencer. Sans filtre, la salle répond en chœur : « Ta gueule ! » Ce jeu est une référence au film RRRrrrr!!!, réalisé par Alain Chabat, et à la réplique culte d’un personnage lorsque la nuit tombe.

 

Ce rituel rythme tous les débuts de séances à Annecy, et il n’y a pas de raison qu’Amélie et la métaphysique des tubes échappe à la règlePuis viennent les traditionnels bruits d’animaux, imités à la perfection par le public en attendant que la projection se lance. Une ambiance champêtre idéale pour se plonger dans l’univers bucolique du film de Mailys Vallade et Liane-Cho Han.

 

L’enfance dans tous ses états

Dès sa naissance, la petite Amélie est à part au sein de cette joyeuse tribu. Bébé, son regard vide incite un pédiatre à la qualifier de « légume ». Un état végétatif qui prend fin lorsqu’Amélie renaît une seconde fois par « la grâce du chocolat blanc ». Cette découverte gourmande a lieu lors d’une visite de sa grand-mère belge, et éveille Amélie à ses sens. D’enfant absente, elle devient capricieuse et pénible pour le reste de la famille, seule son amie et nourrice Nishio-san parvient à la canaliser, et l’éveille à la culture japonaise.

 

Persuadée d’être elle-même japonaise, la petite fille précoce participe aux célébrations et aux traditions nippones qui la fascinent. Pour illustrer cet éveil, le film de Mailys Vallade et Liane-Cho Han reprend avec subtilité les codes de l’animation japonaise. À certains égards, la singulière Amélie ressemble à la petite Ponyo (Ponyo sur la falaise de Hayao Miyazaki). Elle déambule dans des paysages renversants de beauté, aux couleurs chatoyantes. Un havre de paix, isolé du monde et délimité par un étang qu’elle ose franchir qu’à de rares occasions.

 

Choc des cultures

Cette rencontre déterminante pour Amélie est aussi la source de sa première déchirure. Forcée de quitter le Japon pour la Chine lorsque son père est muté, la petite fille endure une véritable tragédie. À ce départ s’ajoute le rejet de la société japonaise. En sous texte, le film aborde le contexte post-guerre au Japon, encore traumatisé et animé par la vengeance. Cette dimension historique est très bien amenée par les réalisatrices, qui font confiance au regard affûté du jeune public.

 

« À trois ans, on remarque tout mais on ne comprend rien », affirme Amélie, certes. Mais ne pas comprendre ne signifie pas qu’il faut le cacher, et c’est ce que s’applique à démontrer ce film extrêmement sensible sur l’enfance. Quelques sanglots se font entendre dans la salle. Elaine, étudiante en animation, note : « un film bouleversant, où les enfants ne sont pas infantilisés ; le genre de film que j’aimerais faire ». Un ressenti qui lui donne même envie de se plonger dans l’œuvre d’Amélie Nothomb. C’est gagnant-gagnant.

(Zoé Ayad, FranceInfo Culture, publié le 11/06/2025)

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