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THE WALL
Juste à l’aube de l’arrivée officielle au pouvoir de Trump, ce film fait froid dans le dos. Avec une Vicky Krieps hors du commun.
Elle est garde-côte aux États-Unis, sans doute le pire des métiers dans un pays qui traite ses étrangers ou migrants comme des délinquants. Les rapports entre les collègues sont exécrables, quand elle-même ne s’adonne pas à des plans sexuels sans saveur ni odeur. Bref, le monde va mal et on ne s’attendait pas à voir une Vicky Krieps incarner avec autant de conviction cette agente policière à la lisière du bien et du mal.
L’intérêt essentiel demeure la manière dont l’actrice habite son personnage d’une très grande complexité. L’héroïne est tiraillée en permanence entre les valeurs patriotiques pour le moins inhumaines, et son désir d’une meilleure humanité. Elle assiste sa belle-sœur atteinte d’un cancer du sein ou encore n’hésite pas à interrompre ses courses à pied pour prier Dieu en faveur d’un monde meilleur. La comédienne occupe son rôle avec une immense fulgurance, loin des personnages auxquels elle nous avait habitués. Le jeu des regards comme percés d’un vide dont elle ne parvient pas à sortir, la mécanique de la gestualité, et la froideur avec laquelle elle exécute les ordres qu’on lui donne sont absolument fabuleux. Il y a quelque chose de terrifiant dans la manière dont elle gère son quotidien ou son travail, comme si elle était en permanence sur un fil prêt à la faire basculer du côté du mal ou du bien. En témoigne cette scène terrible où elle vide des bouteilles d’eau avec son couteau, bouteilles sans doute destinées à étancher la soif de clandestins épuisés.
Finalement, le récit de ce coup de feu porté contre un migrant sud-américain ne semble qu’une opportunité pour le cinéaste afin de creuser la profondeur et la complexité de son personnage principal. La caméra n’en fait jamais des tonnes, comme si le propos devait avant tout se centrer sur le seul jeu de l’actrice. Et pourtant, autour d’elle, il y a ces magnifiques paysages désertiques de l’Arizona où les migrants viennent s’échouer comme des animaux et où la loi s’exerce dans la brutalité. L’apparente quiétude des lieux renferme le pire des relations humaines et sociales, là où l’héroïne tente d’affirmer sa personnalité, sa féminité face à des hommes imbus de leur pouvoir et leur toute-puissance.
Le long-métrage souffre peut-être de quelques longueurs qui perdent un peu le spectateur dans les lenteurs sableuses des montagnes. En contrepoint du personnage central, il y a ce grand-père et son petit-fils d’origine indienne, qui semblent destinés à faire rétablir un équilibre dans la terreur qui règne. Il secourent des clandestins écrasés jusqu’au jour où le drame survient. L’héroïne semble, quant à elle, imperturbable, comme si la vie de cet homme qu’elle a abattu était sans importance.