Copyright 2024 Alamodefilm

HORS-SAISON

S’il dessine en arrière-plan les contours d’une société obsédée par la réussite, « Hors saison » est avant tout un film d’amour, qui met en scène deux êtres travaillés par le doute.

 

Stéphane Brizé lâche la chronique sociale pour un film d’amour et troque Vincent Lindon, son acteur fétiche, contre Guillaume Canet, qu’il met en scène dans Hors saison, un beau film d’amour, à la fois drôle et mélancolique […].

 

Mathieu (Guillaume Canet), un acteur de cinéma en vue, se repose sur la côte bretonne. Déprimé parce qu’il a lâché au dernier moment la pièce de théâtre dans laquelle il était engagé, il est rongé par la culpabilité et tente, peignoir sur le dos et claquettes aux pieds, de se requinquer en s’attelant sans grande conviction à son forfait thalasso « détente plus » dans un centre de la côte bretonne. Une idée de sa femme, une star du journal télévisé over-bookée qui lui sert accessoirement de coach.

 

Alors qu’il traîne sa mélancolie dans les bains de vapeur et de boue, il est contacté par Alice (Alba Rohrwacher), une femme qu’il a autrefois aimée, et quittée. Ces retrouvailles qui permettent dans un premier temps à Mathieu de retrouver le sourire, vont peu à peu perdre de leur légèreté…

 

Le doute

Après avoir raconté en 2022 l’histoire d’une séparation sur fond de crise sociale, dans Un autre monde, Stéphane Brizé revient avec l’histoire d’un homme et d’une femme qui se sont aimés autrefois, et que le hasard fait se retrouver.

 

La vie a passé. Mathieu est devenu une star du grand écran.  Alice, pianiste, s’est mariée, a une fille, et vit des jours tranquilles dans cette ville de la côte bretonne. Ces retrouvailles les bouleversent, et les mettent face à leurs choix.

 

Leurs chemins se sont séparés, ils vivent dans deux mondes bien différents, mais ils ont en commun le doute. Mathieu, derrière une apparente assurance, regrette de ne pas avoir eu le courage d’accomplir son rêve de monter sur les planches.

 

Les compositions musicales d’Alice restent coincées dans son for intérieur, sans que personne jamais ne les entende. Ont-ils fait les bons choix de vie ? Qu’ont-ils à vivre ensemble ? Que deviendra cette histoire ? Peu importe. Dans les moments partagés au cours de cette parenthèse enchantée, hors saison et hors du monde, les masques tombent et chacun y puise ce dont il a besoin pour poursuivre sa vie.

 

Le film est construit en contrastes : d’un côté le monde aseptisé de la thalasso, un monde sans affect, qui fait écho à la vie bien réglée, mécanique, et centrée sur l’efficacité de Mathieu, un peu vaine aussi, à l’instar de cette machine à café sophistiquée qui prend le pouvoir, ou à ces portes automatiques qui s’ouvrent et se ferment sans raison, simplement parce qu’on a appuyé sur un bouton.

 

De l’autre, le monde d’Alice, moins paillettes, moins efficace, mais plein de surprises, qui côtoie les éléments, un océan déchaîné, des ciels chargés, mais aussi, hors saison, des rues désertes, des volets clos sur des maisons vides qui contrastent avec la douceur de sa vie familiale, intérieure, chaleureuse et apaisée. Un monde, aussi, où l’on célèbre le mariage de deux vieilles dames au son du chant des oiseaux.

 

Entre Claude Sautet et Jacques Tati

La mise en scène, déployée comme une chorégraphie, épouse par son rythme et par ses cadrages cette histoire de retrouvailles. Les plans sont plutôt larges et fixes, au début du film. Des cadres dans lesquels le personnage de Mathieu apparaît presque comme un clown à la Jacques Tati.

 

Puis les cadres se resserrent peu à peu sur les deux protagonistes, et leurs rapprochements, les couleurs se réchauffent, aussi. Le film alterne aussi entre comique et mélodrame, et la musique, composée par Vincent Delerme, accompagne cette mise en scène au millimètre.

 

Hors saison est servi par deux acteurs merveilleux. Guillaume Canet tout en nuances joue un brin l’autodérision dans un rôle qui lui colle à la peau, face à Alba Rohrwacher lumineuse et bouleversante dans son personnage d’Alice, plein de sensibilité, de fantaisie et d’émotions.

 

Si le film, qui fait penser par moments au cinéma de Sautet, parle avant tout d’amour, de désillusions, et de choix de vie, il dessine une fois encore en arrière-plan les contours d’une société dans laquelle il n’est facile pour personne de tracer sa route sans céder aux compromissions.

 

(Laurence Houot, FranceInfo Culture, publié le 18/03/2024)

 

 

Écrire un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.