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MAGMA

Une histoire de volcan dépaysante qui se veut plus politique et sociale que réellement tonitruante. Une réussite.

 

Deux silhouettes se devinent dans la brume. Une image chère au réalisateur qui n’a pas oublié cette sensation à la fois effrayante et galvanisante vécue lors d’une montée à la Soufrière, durant son enfance. Des années plus tard, la découverte du documentaire de Werner Herzog La soufrière l’incite à revenir sur cette crise méconnue qui affecta l’île antillaise en 1976, à la suite d’un réveil du volcan. A l’époque, un désaccord entre Haroun Tazieff et Claude Allègre, deux scientifiques à l’ego démesuré, contribue à créer une défiance, pas tout à fait éteinte, de la population guadeloupéenne, à l’égard des autorités. En effet, si le premier estime qu’il ne s’agit là que d’une éruption sans danger, le second applique le principe de précaution. Des tergiversations qui bloqueront près de 75000 personnes loin de leur domicile et de leur travail pendant des mois, sans qu’il ne se passe rien.

 

Cyprien Vial s’appuie sur ces événements véridiques pour bâtir un récit plus optimiste mettant en scène un binôme plus moderne, à la recherche d’un équilibre fructueux, malgré leurs doutes et différences. D’un côté, Katia une femme d’une cinquantaine d’années, vulcanologue aguerrie (Marina Foïs) venue de la métropole ; et de l’autre Aimé, (Théo Christine), un jeune homme natif de l’île qui apprend le métier. Directrice de l’Observatoire Vulcanologue de Guadeloupe, Katia doit assumer la difficile responsabilité du sort des habitants situés sur la zone menacée, en étroite collaboration avec le préfet (Mathieu Demy). Un cataclysme sans doute bien plus dangereux que les soubresauts de cette vieille dame qu’est la Soufrière !
Tenant à distance l’idée d’un film catastrophe, le cinéaste s’intéresse plutôt aux problématiques de ce territoire pas toujours en phase avec la prédominance de la République. Les interactions entres les personnages, basées sur la transmission des connaissances, la complicité et l’envie sincère d’agir au mieux pour l’intérêt collectif constituent le socle d’une réflexion intéressante sur les rapports entre un pouvoir déconnecté d’une réalité locale et une population frustrée. La qualité d’interprétation du duo composé de Marina Foïs, dont le talent n’est plus à démontrer, et de Théo Christine, désormais membre à part entière de la nouvelle garde du cinéma français, auquel se joint un Mathieu Demy magistral dans ce rôle de haut fonctionnaire, préserve de tout risque de manichéisme. La subtilité de leur jeu couplée à un scénario bien rythmé accorde une totale crédibilité au récit tandis que les nuances, doutes et questionnements face à des circonstances épineuses installent un suspense qui va crescendo.

 

Profitant d’une nature contrastée entre paysages sublimes et espaces abandonnés, propre à susciter à la fois attraction et angoisse sourde, la mise en scène crée une ambiance intemporelle pour évoquer le bouillonnement intérieur de chacun des personnages autant que le magma menaçant mais contenu d’un volcan finalement bien plus inoffensif qu’il n’en a l’air.
Plus qu’un film catastrophe avec effets extravagants, Magma se révèle être une aventure humaine vibrante, à défaut d’être explosive.

(Claudine Levanneur, Avoir à Lire, publié le 18/03/2025)

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