Copyright Petites Poupées Production
MUGANGA – CELUI QUI SOIGNE
Isaach de Bankolé est éblouissant dans la peau du Prix Nobel de la Paix Denis Mukwege dans ce film passionnant récompensé à Angoulême.
Vous connaissez Denis Mukwege ? Muganga, celui qui soigne de Marie-Hélène Roux, prix du public au Festival du Film francophone à Angoulême, plonge dans la vie de ce médecin congolais courageux récompensé par le Prix Nobel de la paix en 2018. Sa rencontre avec le chirurgien belge Guy-Bernard Cadière va être déterminante dans les soins qu’il apporte aux femmes massacrées par des viols brutaux.
Isaach de Bankolé et Vincent Macaigne se sont donnés à fond pour incarner ces héros risquent leur vie avec leurs équipes dans un contexte de guerre civile brutale. Les autorités n’apprécient pas du tout qu’ils révèlent sur la scène internationale les viols et autres exactions que subissent de nombreuses Congolaises. « J’ai choisi la fiction pour évoquer cette réalité car je pense que cela peut provoquer une émotion qui peut elle-même conduire à une action. Je crois au pouvoir de la fiction qui est fédérateur », confie la réalisatrice à 20 Minutes.
Pudeur et réalité
Si le film est évidemment dur, Marie-Hélène Roux a choisi la pudeur plutôt que l’horreur graphique pour le rendre accessible au plus large public. L’inaction internationale face aux « viols comme armes » est au centre de Muganga qui complète parfaitement le documentaire Celui qui répare les femmes (2015) de Thierry Michel et le livre Panzi, écrit par les deux médecins.
« On évoque des actes traumatiques, une situation tragique. Mais ça soulève aussi ce qu’il y a de meilleur dans l’humanité. Des êtres, comme le docteur Mukwege, le docteur Cadière, et tous ces hommes, ces femmes qui travaillent avec eux, nous rappellent ce que c’est que d’être humain », insiste la réalisatrice. Leur lutte prend le spectateur aux tripes quand ils redonnent espoir à des femmes traumatisées tant physiquement que psychologiquement dans l’hôpital de Panzi recréé au Gabon pour les besoins du tournage.
Incarner Denis Mukwege
« Cela fait trente que Denis Mukwege reçoit tous les prix possibles et que rien ne bouge, insiste Isaach de Bankolé qui l’incarne à l’écran et a été récompensé à Angoulême pour sa prestation. C’est la responsabilité de l’art de continuer à porter le message, là où le politique ne peut plus faire avancer les choses ». Le comédien est époustouflant de dignité face aux situations épouvantables que découvre le médecin. Il est aussi crédible dans la détermination que dans les doutes qui l’assaillent parfois. Sa dignité constante face aux épreuves rend son combat d’autant plus bouleversant.
« C’était une énorme responsabilité que d’incarner le docteur, insiste l’acteur. Je ne pouvais pas le faire sans le rencontrer au préalable. Il était important pour moi de savoir des choses de lui qui sont personnelles, qui ne sont pas écrites dans le scénario, mais qui m’ont permis de l’aborder, de l’approcher de l’intérieur. Et de me sentir libre, détaché de la personne qui existe ». La rencontre entre les deux hommes, deux semaines avant le tournage, a été une libération pour Isaach de Bankolé. « Il a répondu à toutes mes questions et c’était comme s’il me donnait sa bénédiction » avoue l’acteur.
Dans le respect du combat
Denis Mukwege a vu Muganga, celui qui soigne et a donné son approbation après avoir vu le film. « Il avait lu le scénario, précise Marie-Hélène Roux et il connaît le pouvoir de la fiction qui dépasse les frontières. C’est un homme brillant qui nous a apporté son soutien jusqu’au bout ». A Angoulême, Isaach de Bankolé et elle arboraient des pansements marqués d’un tampon avec le titre du film. « C’est symbolique du film qu’on a fait, dit le comédien. Au fond, on a tous besoin de soins. Et pour cela, il faut oser regarder la plaie ».