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TESTAMENT

Denys Arcand pose toujours un regard affuté sur le monde contemporain, dans un nouveau film incisif et drôle.

 

Cinq ans sans Denys Arcand, pour un peu, il nous aurait manqué. Son retour ce mercredi 22 novembre avec Testament réjouit, dans un film dont le titre est une chausse-trappe, un piège pour le spectateur. La vitalité, la vivacité et l’acuité de son personnage valent leur pesant de cacahuètes. Depuis Le Déclin de l’empire américain, le réalisateur québécois met en boîte l’Occident avec une sagacité fine et impayable.

 

Dernier des Mohicans

Célibataire, ancien archiviste de 70 ans en maison de retraite, Jean-Michel voit ses illusions chaque jour un peu dépérir. Jusqu’au jour où la directrice de l’établissement est prise à partie en raison de la présence dans le hall d’une fresque jugée offensante envers les Amérindiens. Cultivé, le retraité pose un regard d’abord cynique sur la société qui l’entoure, puis prend conscience des valeurs qu’il peut apporter aux autres pour résoudre cet événement qui prend une tournure nationale.

 

Denys Arcand retrouve Rémy Girard en alter ego au regard distancié sur ce qu’il observe. Il incarne un dernier des Mohicans d’une culture qui s’effrite, à l’image du passage de l’oral à l’écrit, aujourd’hui de l’écrit au numérique. « Film testament » est une formule toute faite, et Arcand nous tend les bras pour nous faire tomber dedans. Cela serait mal le connaître, maître du scénario et des dialogues, derrière la caméra, Arcand est sans doute le premier à ne pas savoir s’il refera un film ou non. Comme en chanson, les adieux sont éternels.

 

Nostalgique et swing

Drôle, Testament est pourtant bien hanté par la mort, mais comme une danse macabre. Le film est comme un tour de magie, un tour de chamane, un tour de manège franco-canadien, unique et universel. Situé dans notre monde postpandémique, Testament ne met pas tant en perspective le conflit colonial contenu dans la fresque polémique du film, que la manière dont elle est perçue. Derrière elle, Arcand pose la question d’un Covid marqueur de fin de civilisation. La politique et les médias s’en mêlent pour participer à un méli-mélo orchestré par le regard d’un Denys Arcand circonspect qui se renouvelle.

 

Pour savoir si Denys Arcand nous livrera un autre film après Testament, incontestablement, il en a envie. Et si les petits cochons ne le mangent pas, on le retrouvera, avant les cinq ans qui nous séparent de son film précédent. Son petit dernier donne la pêche, bien au-delà d’un feel good movie. Les neurones en éveil, Denys Arcand est comme un réveille-matin, jamais chagrin, nostalgique et swing, toujours d’entrain.

(Jacky Bornet, FranceInfo Culture, publié le 22/11/2023)

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