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L’INTÉRÊT D’ADAM

Le second film de Laura Wandel a fait l’ouverture de la Semaine de la Critique au dernier festival de Cannes.

 

Après Un monde, un premier long-métrage qui nous immergeait dans l’univers de l’école à hauteur d’enfant, Laura Wandel pose cette fois sa caméra dans un service pédiatrique à l’hôpital. À la suite d’une décision du juge, Adam, quatre ans, est hospitalisé pour malnutrition. Lucy (Léa Drucker), l’infirmière en chef de l’unité pédiatrique où il est accueilli, se heurte à la résistance de l’enfant, qui refuse de se nourrir. Elle espère que la présence de Rebecca (Anamaria Vartolomei), sa mère, facilitera les choses, et la laisse rester un peu au-delà des heures de visites fixées dans le jugement.

 

La jeune femme ne se montre pas très conciliante pour aider Adam à se nourrir, et finit par refuser de quitter son fils. Lucy tente de désamorcer le confit qui s’annonce entre la jeune femme et le médecin, qui veut l’évacuer du service par la force.

 

Course contre la montre

Comme l’école, l’hôpital est au carrefour de toutes sortes de tensions, économiques, sociales, judiciaires, qui pèsent sur la société, ici données à voir à travers le cas d’Adam, dans le huis clos de l’hôpital. Isolement, difficultés économiques, solitude, maltraitance, détresse psychologique, Rebecca cumule. Lucy tente de tisser un lien avec la jeune femme pour la ramener à la raison, et lui faire comprendre que son comportement l’emmène tout droit vers ce qu’elle redoute le plus : la perte de la garde de son fils.

 

Lucy est confrontée à la résistance de cette mère perdue, mais aussi à la rigidité de ses collègues moins empathiques qu’elle. Elle doit aussi « faire avec » les contraintes économiques de l’hôpital ou encore les limites posées par l’institution judiciaire. Ainsi on assiste, une nuit, à cet exercice d’équilibriste qu’elle mène avec toute son énergie, jusqu’à épuisement, gardant toujours son calme, pour tenter de sauver cet enfant, persuadée que personne n’y parviendra sans l’aide de la mère.

 

Quand elle n’est pas auprès d’Adam, l’infirmière en chef s’occupe des autres enfants hospitalisés dans le service, délègue, gère les urgences, détecte des besoins qui vont bien au-delà de son périmètre, conseille les autres infirmières. Et quand elle fait enfin une pause, Lucy consulte son portable ou passe un coup de fil pour vérifier qu’à la maison, tout se passe bien pour sa fille adolescente, qu’elle élève seule.

 

La situation de cette jeune mère célibataire l’émeut-elle à ce point que le sauvetage de Rebecca et d’Adam devient pour elle une question cruciale ? Lucy a-t-elle raison de protéger cette mère manifestement incapable de prendre soin de son fils ? Faut-il sauver les gens malgré eux ?

 

Toutes ces questions sont suggérées au fil des différentes situations qui s’enchaînent au cours de la nuit. Lucy, malgré toutes les contraintes, résiste, pour rester, quoi qu’il arrive, du côté de l’humain, mais à quel prix ? A-t-elle raison de prendre les risques qu’elle prend ? Sa persévérance portera-t-elle ses fruits ? Le film ne donne pas de réponses, laissées à l’interprétation du spectateur, témoin de l’état des lieux de l’hôpital, et en creux de la société tout entière.

 

Avant d’écrire le scénario, Laura Wandel a passé plusieurs semaines dans un hôpital à Bruxelles pour observer et comprendre le quotidien et les enjeux d’un service pédiatrique. Ce film ultra-réaliste est porté par l’extraordinaire présence de Léa Drucker et celle du tout jeune comédien qui incarne Adam, ainsi que par le jeu tout en retenue d’Anamaria Vartolomei, qu’on a vue récemment dans Mickey 17, dans Le Comte de Monte-Cristo, et dans le rôle de Maria Schneider dans le biopic de Jessica Palud.

 

La caméra, le plus souvent en mouvement, reste collée à Lucy, avec des plans séquence au plus près des corps, des émotions, et d’une action qui ne s’arrête jamais pour l’infirmière. Dans une mise en scène qui pulse au rythme de ce service, le film nous tient en espoir de bout en bout, aux côtés de Lucy. Et la dernière tentative, comme le dernier pas d’un funambule, ouvre enfin l’espoir d’un début d’équilibre pour le petit Adam. On respire.

(Laurence Houot, FranceInfo Culture, publié le 14/09/2025)

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