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BERGERS

Récit d’un changement radical de vie, le film est une fenêtre sur la vocation des bergers.

 

Imaginez-vous tout quitter pour le rêve d’une nouvelle vie ? La réponse est oui pour Mathyas, le héros du sixième film de la Canadienne Sophie Deraspe, Bergers, en salles mercredi 9 avril. Le long-métrage est librement adapté du livre D’où viens-tu berger ? de Mathyas Lefebure (Leméac Éditeur).

 

Après un long et sublime plan sur une montagne, on découvre les traits de Mathyas (Félix-Antoine Duval) qui explique, depuis Arles en France, pourquoi il ne peut plus rentrer au Canada. Il souhaite devenir berger en Provence, le berceau du pastoralisme. Le désir de changer radicalement de vie pour le publicitaire s’accompagne de celui d’écrire.

 

Voilà donc Mathyas qui se lance dans la recherche d’un mas où il pourrait se former tout en tentant d’obtenir l’autorisation de travailler en France. Il est reçu par une fonctionnaire qui rappelle que sa demande aurait dû être faite avant de quitter le Canada. Résultat des courses : flop administratif, mais ticket avec Élise (Solène Rigot) à la sous-préfecture. Le courant passe tellement qu’il se transforme bientôt en échange épistolaire.

 

Dans un film de près de deux heures, Deraspe explore la multitude de sentiments et d’expériences que va traverser Mathyas, animé par la ferme intention de concrétiser son rêve. Il est pourtant très vite rattrapé par le principe de réalité après un rude apprentissage auprès du couple Tellier qui a désespérément besoin d’aide.

 

Mais à leur contact se pose une interrogation existentielle : devra-t-il tout accepter sous prétexte qu’il veut absolument devenir berger ? L’apparition dans sa vie d’Élise coïncide avec une nouvelle opportunité d’accomplir sa vocation à travers l’expérience inédite de la transhumance. Plus de 800 têtes de brebis lui sont confiées, direction la montagne pour les nourrir avec la bonne herbe.

 

Une vie rêvée

Les images de Sophie Deraspe, décrivant le processus, sont sublimes. Sa caméra suit ces centaines de têtes évoluer dans les rues, sous le regard rêveur ou énervé des passants, pour rejoindre la montagne. On s’y croit et le désir profond de Mathyas s’incarne enfin, au milieu d’un récit qui jusqu’ici ronronnait. De son côté, Félix-Antoine Duval fait subtilement évoluer son personnage qui prend de l’épaisseur sous les yeux d’une audience qui est désormais intimement associée à sa quête.

 

Sophie Deraspe s’est employée à rendre compte, simplement, de la magie de ces somptueux paysages, témoins d’une vocation pastorale malmenée par la politique, les changements climatiques et le loup. Chronique de la plénitude à concrétiser ses rêves, Bergers est aussi une déclaration d’amour à ceux qui garantissent notre souveraineté alimentaire avec le cœur, mais dans la douleur et un amour inconditionnel pour leur bétail. C’est peut-être la raison pour laquelle Bergers a permis à la cinéaste québécoise de décrocher, une deuxième fois en 2024, le prix du meilleur film canadien au Festival de Toronto.

(Falila Gbadamassi, FranceInfo Culture, publié le 09/04/2025)

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