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EN FANFARE
Dans la veine du cinéma social britannique, le dernier film d’Emmanuel Courcol raconte une histoire de fraternité retrouvée sur fond de passion pour la musique, d’orchestre, de fanfare et de combat social.
Après Cessez-le-feu, en 2016, et Un triomphe, un film sur l’univers carcéral, Emmanuel Courcol aborde dans son nouveau long-métrage la question du déterminisme social de l’héritage génétique dans une comédie dramatique portée par un duo de comédiens qui fonctionne à plein. Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin incarnent deux frères que la vie a séparés, et que les hasards de la vie réunissent.
Alors qu’il est en répétition, le grand chef d’orchestre Thibaut Desormeaux (Benjamin Lavernhe) fait un malaise. Le diagnostic tombe : atteint d’un cancer, il a besoin d’une greffe de moelle osseuse pour s’en sortir. A l’occasion d’un test de compatibilité avec sa petite sœur, il apprend qu’il a été adopté, et dans la foulée qu’il a un frère, Jimmy (Pierre Lottin) qui lui, a grandi dans le nord de la France, dans un milieu beaucoup plus modeste que lui. Jimmy est tromboniste dans la fanfare de l’usine locale, sur le point d’être liquidée…
Avec ce nouveau long-métrage, Emmanuel Courcol entreprend d’explorer la vieille question de l’héritage culturel et/ou génétique dans la destinée des hommes. Thibaut et Jimmy ont manifestement tous les deux des aptitudes pour la musique. Pour le premier, il a été facile de cultiver ce talent, avec l’aide et l’encouragement de sa famille bourgeoise. Il est devenu un grand chef d’orchestre et compositeur à ses heures.
Pour Jimmy, passé de foyers en familles d’accueil avant d’être adopté par Claudine (Clémence Massart), une femme aimante qui lui a permis de trouver un équilibre, le chemin a été plus escarpé. Si la passion pour la musique les rapproche, les retrouvailles ne sont pas aussi idylliques que Thibaut pourrait l’espérer.
« Le bon numéro »
Que serait devenu Jimmy s’il avait été adopté par la famille de Thibaut, et inversement ? Qui en réalité a « tiré le bon numéro » ? Peut-on rattraper le temps perdu et inverser la courbe du destin ? Ce sont toutes ces questions que pose le film. Ici s’ajoutent la dimension musicale et un contexte économique et social ne servant pas seulement de décor, mais nourrissant le propos et la dramaturgie du récit.
Le film met un coup de projecteur sur les harmonies et fanfares municipales, ces ensembles qui permettent à tous de pratiquer la musique. Une tradition très vivace dans les zones rurales du nord et de l’est de la France. Présenté à Cannes Première au Festival de Cannes 2024, le film a donné l’occasion aux membres de L’Harmonie Municipale des Mineurs de Lallaing (Nord), qui jouent leur rôle dans le film, de fouler le fameux tapis rouge.
Le film explore aussi le poids des secrets de famille, et du mensonge « qui ronge et tue ». Mais c’est surtout la fraternité (déjà abordée dans Cessez-le-feu), et ce lien fragile qui se tisse entre les deux frères magnifiquement interprétés par Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin, et l’émotion qu’ils transmettent, qui nous emporte.
Le réalisateur joue la simplicité des motifs, comme dans un conte, pour mieux servir son histoire. Mais un scénario sans simplisme permet au film d’éviter les clichés. « Proches des personnages », comme ils le confient dans un entretien à franceinfo, Pierre Lottin et Benjamin Lavernhe ont trouvé une complicité de travail qui offre une belle palette de nuances à ce duo antagoniste qui aurait pu facilement virer à la caricature.
Le film trouve également un délicat équilibre entre le drame et la comédie, dans la veine du cinéma social britannique. La magie opère grâce à une mise en scène rythmée, des dialogues vraiment savoureux et à une magnifique distribution, dans laquelle on retrouve autour de Benjamin Lavernhe et de Pierre Lottin, Sarah Suco et Jacques Bonnaffé, dans la fanfare, avec en bonus Ludmila Mickaël et Clémence Massart en figures de mères adoptantes dans deux genres complètement différents.