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THE CHRONOLOGY OF WATER
Pour la première fois au poste de réalisatrice, Kristen Stewart propose une adaptation impressionnante du roman autobiographique de Lidia Yuknavitch.
L’actrice Kristen Stewart passe derrière la caméra avec l’adaptation du roman autobiographique de Lidia Yuknavitch, La Mécanique des fluides (The Chronology of Water), paru en France chez Denoël en 2014.
Oregon. Années 1970. Lidia s’entraîne pour devenir championne de natation. À l’entraînement, le rythme est soutenu, et les méthodes plus ou moins bienveillantes. Mais ce n’est rien à côté de la violence qu’elle subit sous le toit de sa propre maison, avec un père brutal et abusif, qui s’attaque d’abord à sa sœur aînée, avant de passer à la cadette quand sa sœur quitte le foyer. La mère, alcoolique, ne bouge pas un cil pour protéger ses filles.
« Combien de kilomètres faut-il nager pour arriver jusqu’à soi ? » Lidia se réfugie sous l’eau, et aussi en écrivant avec frénésie sur des petits carnets des mots qui broient la mine de son crayon. Quand, enfin, elle trouve l’occasion de quitter la maison de son père, la jeune femme noie ce qui l’empoisonne dans l’alcool et le sexe. Il lui faudra du temps, et les mots, pour enfin trouver l’apaisement et un espace pour se construire elle-même, et fonder, en toute sécurité pour tout le monde, sa propre famille.
« Laissez votre imagination changer ce que vous savez »
L’actrice américaine montre avec cette première réalisation, qui lui a demandé plusieurs années de travail (« huit ans d’écriture, 500 versions »), un vrai regard cinématographique. Pour adapter ce livre autobiographique devenu culte qui aborde un sujet complexe, Kristen Stewart a choisi la radicalité. En s’en tenant avec rigueur à la subjectivité de son personnage, et à ses sensations, qu’elle traduit incroyablement à l’écran, la réalisatrice projette le spectateur dans le gouffre des victimes de la violence et des abus exercés par les adultes sur les enfants, et les séquelles qu’ils laissent. La réalisatrice traduit en langage cinématographique cette chose qui manque de mots, cette chose qui envahit chaque cellule de la victime. Cet inceste, la réalisatrice ne le montre pas une seule fois frontalement à l’image, à l’instar d’une réalité toujours niée, toujours cachée. Elle suggère en revanche suffisamment cet inceste, comme une monstruosité autour de laquelle on tourne sans cesse, pour que le spectateur s’en fasse une idée précise, jusqu’à la nausée.