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ONCE UPON A TIME IN GAZA

Troublante et décalée, cette critique indirecte des gouvernements palestiniens et israéliens qui se font face dans un combat absurde mais meurtrier est tout à fait étonnante.

 

On est à Gaza en 2007, dans un monde qui n’existe pas, avec des médecins qui laissent traîner des ordonnances, des policiers corrompus, des dealers qui vendent de la drogue aux populations épuisées par des années d’occupation, et des films de propagande au service d’un gouvernement qui tire sa légitimité de Dieu. Non, vraiment cela n’existe pas, sauf au cinéma. Et c’est tout le projet des frères Tarzan et Arab Nasser dont on se souvient du beau et surtout très subtil Gaza mon amour. Cette drôle d’histoire de trafiquant, de vendeur de falafels qui devient acteur de propagande à son insu, et de policier promu à de belles carrières à force de corruption, est à l’image du cinéma des deux cinéastes : décalé, dur et cynique, quand on sait d’autant plus la situation que subissent les Palestiniens emportés dans un conflit dont ils ne mesurent pas tous les tenants et aboutissants.

 

Once Upon a Time in Gaza n’attaque pas frontalement la question israélo-palestinienne. mais par des voix savamment détournées, et d’une très grande intelligence. Le film ne se veut donc pas manichéen. Le mal est partout, qu’il s’agisse des soldats israéliens aux méthodes peu orthodoxes, des policiers qui confondent l’intérêt de la Palestine avec leurs intérêts personnels, des trafiquants peu scrupuleux de la détresse des toxicomanes et des cinéastes qui oublient l’art au bénéfice d’un cinéma autorisé. Pour cela, les deux réalisateurs mettent en scène une ribambelle de personnages qui font penser à un conte de Voltaire. La critique des deux régimes en présence est évidente, Arab et Tarzan Nasser choisissant de prendre le parti des populations qui subissent la guerre. On se souvient encore des coupures d’électricité permanentes de Gaza mon amour, qui rythmaient un récit cruel et touchant.

 

Les Nasser s’entourent d’acteurs absolument incroyables qui s’engagent dans ce jeu de dupes où l’illusion des médias est en miroir avec les tromperies de la police et les trafics de drogue. On ne sait plus qui est juste, qui ne l’est pas. Les cinéastes font dans leur récit la démonstration brillante que la vérité gazaouie est plus que complexe à discerner. À maintes reprises, la fiction est interrompue de screenshots de bombes qui s’abattent sur les immeubles avec des civils à l’intérieur, comme un sursaut de reconnaissance pour les populations maltraitées dans un conflit identitaire et politique où elles n’ont pas le droit à la parole. La mascarade gagne sur la vérité, quand elle n’est pas réglée à coups de feu dans la tête de ceux qui gênent. Malgré le titre, on n’est pas dans un conte pour enfants, mais bien la réécriture de l’histoire d’un territoire occupé où le discernement se fait le plus difficile possible. La fin d’ailleurs témoigne de ce retournement narratif et historique, comme si, en fait, plus aucune forme de sérénité et de paix ne sera possible.

 

Once Upon a Time in Gaza ne doit pas être regardé comme un discours de guerre contre l’une ou l’autre des parties. Au contraire, le récit recherche une forme d’équilibre entre des positions contraires, justement en critiquant de vive voix les manières de fonctionnement du gouvernement palestinien. Il faut aussi le regarder comme un thriller passionnant, avec des rebondissements et une intrigue à couper le souffle.

(Laurent Cambon, Avoir à Lire, publié le 24/06/2025)

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