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LA PETITE DERNIÈRE
Pour la première fois, Hafsia Herzi adapte. Bien lui en a pris, car sa version libre du roman de Fatima Daas remue autant qu’elle épate. Ce récit d’émancipation d’une jeune fille prise dans ses conflits intérieurs révèle aussi une actrice impressionnante : Nadia Melliti.
Fatima a 17 ans. C’est la petite dernière de la famille. La mazoziya. Et la plus taiseuse des trois filles du foyer. Brillante élève, elle se destine à des études de philosophie. Mais, plus encore qu’à sa réussite scolaire, elle fait face aux conflits qui l’animent, bien loin de la célèbre citation de Rimbaud : « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans ». Car la jeune femme en devenir n’avance pas seulement dans l’insouciance et la légèreté des émotions éphémères de son âge. Bien au contraire, elle affronte les grandes lignes de sa vie à la croisée des chemins, entre enfant et femme, et les contradictions de son monde. C’est bien cette intersection charnière qui a séduit Hafsia Herzi dans le premier roman, nourri d’autobiographie, signé Fatima Daas. Encouragée par la productrice Julie Billy, la cinéaste a tout de suite vu l’opportunité de raconter et de filmer un personnage encore inédit à l’écran : une jeune fille française, arabe, musulmane et lesbienne. Avec ouverture et générosité, elle s’est plongée dans une adaptation libre, mais fidèle.
Une douceur infinie – qui n’occulte pas la frontalité – caractérise la mise en scène. Hafsia Herzi livre un portrait où l’amour et la bienveillance ne taisent ni la douleur ni l’empêchement. Mais sans aucune victimisation, l’avancée est progressive et finalement lumineuse pour cette héroïne de son temps. Si la réalisatrice prend des libertés avec le texte initial – où, par exemple, le père est plus dur -, elle traduit son essence et sa narration morcelée en construisant une temporalité sur une année, rythmée par les saisons. Les ellipses nourrissent ainsi le cheminement intérieur de Fatima, et son assomption existentielle, même si les vérités sont parfois indicibles. Le lien passe par les sens et par les larmes, et à l’écran, par l’émotion et par l’humour. Par la manière aussi dont la cinéaste et son directeur de la photographie Jérémie Attard saisissent la chaleur des peaux, la luminosité accueillante du jour et la densité de la nuit urbaine, tout comme les accords d’Amine Bouhafa retranscrivent les pulsations et les respirations de cette protagoniste asthmatique.