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ON IRA

La comédienne Enya Baroux signe un premier long-métrage très maîtrisé, servi par un excellent casting, sur le sujet délicat du suicide assisté qu’elle traite avec sensibilité et humour.

 

Dans la veine de Little Miss Sunshine, cette comédie tendre et drôle aborde la question de la fin de vie avec le récit du voyage cathartique d’une famille marquée par le deuil et les non-dits. On y retrouve l’excellente Hélène Vincent, qui partage une nouvelle fois l’affiche avec Pierre Lottin.

 

Marie (Hélène Vincent), 80 ans, vit seule chez elle dans sa maison et peine à accomplir les tâches les plus simples du quotidien. Un cancer, dont elle s’était débarrassée quelques années plus tôt, refait surface. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Marie n’en peut plus des souffrances et de cette vie rétrécie. Elle décide de recourir au suicide assisté en Suisse, mais elle a du mal à annoncer cette décision à Bruno (David Ayala), son fils complètement immature et irresponsable, et à Anna, sa petite fille (Juliette Gasquet), une adolescente privée de sa mère.

 

Rudy (Pierre Lottin) est auxiliaire de vie. Instable, il profite parfois des personnes âgées pour se dépatouiller de ses déboires, mais cela ne l’empêche pas de leur être totalement dévoué. Alors qu’il vient dépanner Marie, coincée sur son monte-escalier électrique en panne, il se trouve embarqué dans un périple au volant d’un camping-car en route pour la Suisse, avec à son bord la vieille dame, son fils, sa petite fille, et un rat prénommé Lennon…

 

« Auxiliaire de mort »

Sujet d’actualité récemment à l’affiche dans Le Dernier souffle, un film grave et didactique signé Costa-Gavras, la question de la fin de vie et du droit à mourir dans la dignité est abordée dans ce premier long-métrage d’Enya Baroux dans le registre de la comédie. La douleur, la solitude, la dépendance, la honte, la place des enfants, des familles dans ce processus… Le film aborde toutes ces questions sans tabou, et sans discours dogmatique, avec en toile de fond un regard aiguisé sur la place des plus vulnérables dans la société, qu’ils soient âgés et malades, comme Marie, ou bien perdus et noyés dans les difficultés financières, comme Rudy ou David.

 

Dans une première séquence édifiante, le film montre le quotidien de Marie, les douleurs, la difficulté à accomplir chaque geste et sa vulnérabilité. La vieille dame, une personnalité joyeuse, a pris le temps de réfléchir. Elle fait le choix de mettre fin à ses jours en pleine conscience. Une décision qui la soulage, mais qu’elle a beaucoup de mal à annoncer à ses proches, qu’elle sait fragiles et qu’elle a le sentiment d’abandonner.

 

Entre Marie et Rudy, un marginal, solitaire, avec pour seul compagnon un rat prénommé Lennon, le courant passe bien. Pareil avec l’ado, Rudy a le truc pour détendre l’atmosphère. « Étranger » à la famille, sans filtre et à l’écoute, il devient malgré lui le médiateur de cette famille incapable de communiquer. D’auxiliaire de vie, il devient un « auxiliaire de mort épatant », lui dira plus tard Marie, reconnaissante.

 

Lumineuse Hélène Vincent

Hélène Vincent avait déjà incarné une femme atteinte d’un cancer ayant recours au suicide assisté dans Quelques heures de printemps de Stéphane Brizé, dans un registre beaucoup plus dramatique. La comédienne apporte cette fois sa touche d’humour à ce personnage de vieille dame facétieuse et courageuse. Lumineuse, elle fait rayonner tous les comédiens qui l’entourent. Pierre Lottin, avec qui elle partageait déjà l’affiche dans le dernier film de François Ozon, Quand vient l’automne, excelle dans le personnage un peu paumé de Rudy, qui se révèle au fil de l’histoire être le héros d’une aventure qu’il n’a pas choisie.

 

David Ayala, avec son physique d’ours, récemment à l’affiche de Miséricorde d’Alain Guiraudie, campe un fils immature extrêmement attachant. Et enfin, Juliette Gasquet crève l’écran dans le rôle de l’ado, le personnage jeune mais pas le moins mature de cette rocambolesque épopée. Hélène Vincent et Juliette Gasquet ont été conjointement récompensées par Prix d’interprétation féminine au Festival international du film de comédie de l’Alpe d’Huez.

 

Avec des quiproquos et des dialogues savoureux, le scénario alterne dans un bon dosage l’émotion et le rire. La réalisation, très rythmée, trouve des pauses dans des plans fixes parfaitement composés. Avec ce premier long-métrage très réussi, Enya Baroux parvient à faire advenir ce petit miracle de nous faire rire avec la mort, avec une histoire qui ne parle que de la vie. On ira est un petit bijou de comédie qui touche au cœur.

(Laurence Houot, FranceInfo Culture, publié le 11/03/2025)

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