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NI CHAÎNES, NI MAÎTRES
Basé sur des faits historiques, le premier long-métrage du cinéaste franco-béninois est une percutante chronique de la résistance à l’esclavage dans la France du XVIIIe siècle.
Les victimes de la traite négrière ont toujours cherché à briser leurs chaînes, à chaque étape de leur mise en captivité. Ni chaînes Ni maîtres de Simon Moutaïrou est un film sur le marronnage. La pratique consistait pour une personne esclave à s’échapper de la propriété de son maître.
Pour son premier film, dont il est aussi scénariste, le réalisateur franco-béninois remonte le temps et propulse les spectateurs dans l’actuelle Ile Maurice au sein d’une population d’esclaves, originaires du Sénégal, qui a vraiment existé. En 1759, sur l’Isle de France, Mati (Anna Diakhere Thiandoum) et son père Massamba (Ibrahima Mbaye) deviennent des nègres marrons, des esclaves en fuite. Sur leurs traces, la redoutable Madame la Victoire (Camille Cottin) engagée par leur propriétaire, Eugène Larcenet (Benoît Magimel).
Les esclaves en cavale et ceux qui sont à leurs trousses – la chasseuse et ses fils – se livrent un impitoyable combat. La seule issue acceptable pour les premiers est la liberté. Massamba avait toujours espéré mettre fin à sa condition d’esclave dans les règles de l’art : être affranchi. N’est-il pas, par l’indispensable « médiateur » de cette plantation, lui qui manie aussi bien le wolof que « la langue du Blanc » que lui a apprise le fils de son maître, un abolitionniste ?
La jeune Mati, elle, défend l’option de la fuite afin de retrouver d’autres esclaves qui ont déjà arraché leur liberté. Quand elle s’échappe de la plantation Larcenet, son père est mû par son instinct paternel. À 100 à l’heure, Massamba se lance à sa recherche au cœur d’une nature hostile, mais domptable pour les besoins de la cause. Moutaïrou accélère même parfois l’image pour donner encore du rythme à son récit.
À une réalité historique, Simon Moutaïrou insuffle une dimension épique et philosophique. Ce qui apporte de la substance à une mise en scène mêlant action, thriller et fantastique. La distribution transporte l’audience tout comme une photo époustouflante. Mais c’est au fil de l’eau que le cinéaste passe en revue les stratégies des différents acteurs – exploités et exploiteurs – vivant dans cette société esclavagiste. Recouvrer sa liberté, suggère par ailleurs Moutaïrou, c’est retrouver son identité culturelle pour les personnes esclaves. La quête va au-delà d’une simple aspiration physique et matérielle.
Encouragée par Mati, Massamba renoue ainsi avec la spiritualité de ses ancêtres sénégalais que l’initié avait comme enterré en même temps que sa liberté. À sa foi est confrontée celle de la catholique Madame La Victoire qui, elle aussi, fait appel à son Dieu dont les relais de l’époque assurent inlassablement que les Noirs d’Afrique « n’ont pas d’âme ». Des « bêtes » à qui l’on peut appliquer les cruelles règles du Code noir.
En mission avec panache
Avant d’être réalisateur, Simon Moutaïrou est un conteur. Et il a réussi à nourrir son premier long-métrage d’une dimension symbolique qui lui confère l’envergure des films de la saga Black Panther. Des œuvres qui ne font pas mystère de leur raison d’être : rappeler que les peuples noirs ne sauraient être résumés aux clichés véhiculés par ceux qui les ont dominés durant des siècles.
Leur histoire comprend aussi et évidemment des épisodes individuels et collectifs grandioses. Le métis franco-béninois le réaffirme grâce à la magie du cinéma. Tout comme l’Afro-américain Ryan Coogler, dans Black Panther, l’avait fait au service d’une forme de restauration de l’imaginaire collectif à propos du continent africain et de sa diaspora.