Copyright STUDIOCANAL – COLOURS OF TIME – CE QUI ME MEUT – Emmanuelle Jacobson Roques
LA VENUE DE L’AVENIR
C’est la première fois que le réalisateur de « L’Auberge espagnole » est invité hors compétition au Festival de Cannes. Son nouveau film explore la façon dont notre perception des choses évolue avec le temps. Si vous aimez la peinture et la photographie, vous allez adorer.
L’équipe du film, au grand complet, s’apprête à gravir les marches du Palais des Festivals, sous l’immense affiche célébrant Claude Lelouch. On se dit alors qu’il y a un air de famille entre La Venue de l’avenir, le seizième long-métrage de Cédric Klapisch, et le cinéma de Lelouch période Les Uns et les Autres. Moins d’emphase sans doute, mais beaucoup d’humour et une façon réjouissante d’entrelacer les époques, le passé et le présent, dans une chorégraphie allègre et joyeuse.
Trois ans après le beau En corps qui suivait le parcours d’une danseuse (Marion Barbeau) obligée de mettre sa carrière sur pause après une grave blessure, le cinéaste de la jeunesse revient avec son complice, le scénariste Santiago Amigorena. Il vient de publier un livre aux éditions P.O.L dans lequel il raconte leurs pérégrinations désargentées au festival de Cannes, avant la célébrité. Ensemble, les deux amis ont déjà réalisé Le Péril jeune, Peut-être, Ce qui nous lie, Deux Moi et En corps.
Le film commence à notre époque quand un groupe d’une trentaine de personnes apprend qu’il va hériter d’une maison délabrée en Normandie, à l’abandon depuis 1944. Quatre d’entre eux – Julia Piaton, Vincent Macaigne, Zinedine Soualem et Abraham Wapler – sont chargés d’en faire l’état des lieux pour permettre une estimation de la valeur du bien.
Ils ne se connaissent pas mais ont une ancêtre en commun : Adèle Meunier, née en 1873. Son portrait se trouve parmi les photos anciennes accrochées aux murs, sous les toiles d’araignée. Ils ignorent encore quel visage est le sien.
Une vieille masure et un trésor
La découverte d’un trésor dans la vieille masure va les pousser à mener l’enquête pour comprendre qui était la jeune femme. Cédric Klapisch multiplie alors les allers et retours d’une époque à une autre, zigzaguant entre les générations de façon presque imperceptible. Il faut saluer la fluidité du montage. Comme l’un de ses personnages, Cédric Klapisch pourrait dire : « Je n’aime pas les ruptures« .
Le temps coule comme les paysages au fil d’une croisière sur la Seine ou d’un voyage en train : sans à-coups. Les amateurs de peinture, et de promenades, aimeront retrouver les falaises et les champs semés de coquelicots de Normandie immortalisés par les impressionnistes à la fin du XIXe siècle.
Le réalisateur a certainement beaucoup regardé ces peintres. Dès le début du film, il fait un clin d’œil à une œuvre de Frédéric Bazille, La Réunion de famille, datée de 1867. À l’image du casting du film, elle représente un groupe d’hommes et de femmes de différentes générations, sur une terrasse. Un tableau de jeunesse de l’impressionnisme. Les jeunes gens qui ont lancé cette révolution picturale ont suscité les railleries de leurs contemporains. Leurs œuvres sont aujourd’hui exposées dans les plus grands musées. La façon dont la perception des choses évolue avec le temps est au cœur du scénario.
Claude Monet et son jardin de Giverny, Gustave Caillebotte et ses vues de Paris, Toulouse-Lautrec et ses maisons closes, Nadar et l’essor de la photographie, Eugène Boudin et ses plages… La Venue de l’avenir est une succession de tableaux animés, aussi beaux que les toiles originales. Le travail sur la photo, la lumière et les costumes est remarquable, notamment dans la reconstitution des rues de Paris, des cafés ou encore des fermes de Montmartre au XIXe siècle.
Avec une grâce d’aquarelle, Suzanne Lindon joue l’ingénue qui, à l’orée d’un siècle nouveau, découvre Paris et sa tour Eiffel rouge. Elle part à la recherche de ses racines, comme le fera, quelque cent trente ans plus tard, sa descendance marchant sur ses traces. Abraham Wapler, fils de la comédienne Valérie Benguigui, morte d’un cancer en 2013, incarne avec beaucoup de drôlerie et de sensibilité l’adulescent version 2025.