Copyright JOUR2FETE

LA DERNIÈRE REINE

Avec poésie, le film historique de Damien Ounouri et d’Adila Bendimerad revisite le parcours exceptionnel de Zaphira, dont l’existence n’a jamais été confirmée, mais qui semble indissociable de l’histoire de la ville d’Alger.

 

1516. Alger vient d’être libérée des Espagnols grâce à l’aide décisive du corsaire Aroudj Barberousse. Le sultan Salim Toumi, qui a été obligé de sceller une alliance avec le pirate, meurt dans des circonstances qui laissent peu de place au doute : le roi a été assassiné. Alors que toute la cour est en fuite, Zaphira choisit de rester parce qu’elle espère non seulement découvrir les coupables de ce crime, mais surtout voir son fils Yahia succéder un jour à son père défunt.

 

Pour son enfant, la dernière reine est prête à tout, notamment à affronter son père, ses frères et surtout celui qui la convoite désormais et qui est le nouveau maître d’Alger, Aroudj interprété par Dali Benssalah (récemment vu dans Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry). Le faste, la conquête du pouvoir et ses intrigues, l’amour absolu et les passions ravageuses : tous les ingrédients sont réunis pour faire de La Dernière reine une sublime tragédie… algérienne. Le film en costumes d’époque réalisé par Adila Bendimerad, qui incarne également Zaphira, et Damien Ounouri est à voir au cinéma, à compter du 19 avril.

 

L’étoffe d’une héroïne de cinéma

La Dernière reine se veut une fenêtre sur l’éclosion d’une guerrière. Autrefois insouciante, Zaphira se transforme après la disparition du sultan Salim en une reine combattante, mentalement et physiquement : ses corps à corps avec ses opposants sont d’ailleurs aussi épiques que les batailles rythmant le film. Les scènes où Zaphira se bat sont savamment chorégraphiées. L’un d’elles est à la fois une joute corporelle et verbale. Alors que Barberousse vient de la sortir d’un mauvais pas, Zaphira lui réaffirme qu’elle n’a besoin de personne et s’engage avec le pirate dans un dialogue qui s’appuie sur leurs mythologies respectives. Le résultat est savoureux. Le film de Damien Ounouri et d’Adila Bendimerad est ainsi truffé de belles trouvailles de mise en scène, celles autour de l’eau et de la mer, très présentes, ne passent pas inaperçues.

 

Avec sa triple casquette de productrice, comédienne et réalisatrice, l’Algérienne Adila Bendiramed donne vie sur grand écran à une femme qui défie toutes les normes de son époque. Zaphira se retrouve et s’impose dans des assemblées d’hommes, où les femmes n’ont traditionnellement pas leur place, et par conséquent au cœur du pouvoir. Veuve, elle fait l’impasse sur le fait d’avoir un tuteur dûment reconnu comme tel. De même, c’est une Alger cosmopolite – celle du début du XVIe siècle –, souvent méconnue, qui est dépeinte au cinéma. Tout aussi rare, le film projette l’une des facettes anciennes d’une cité dont les images restent majoritairement contemporaines. Entre légende et réalité, la question de l’existence de Zaphira n’est pas tranchée. En attendant, une version d’elle trône superbement devant la caméra de Damien Ounouri et d’Adila Bendimerad. Et cela vaut un détour par les salles obscures.

(Falila Gbadamassi, FranceInfo Culture, publié le 19/04/2023)

Écrire un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.