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JE NE SUIS PAS UN HÉROS
Cette comédie décalée offre à Vincent Dedienne un rôle sur mesure dans lequel il déploie toute sa drôlerie.
Ce premier film du comédien et metteur en scène de théâtre Rudy Milstein parvient à nous faire rire de tout, y compris du cancer. Je ne suis pas un héros, dans les salles le 22 novembre, dresse une peinture sans concession d’une société individualiste, hypocrite et cynique.
Louis (Vincent Dedienne) est « junior » dans un grand cabinet d’avocats parisien. Son sac à dos tanké sur le dos comme un collégien, gentil, timide, un peu gauche, empêtré dans un corps dont il ne semble pas savoir quoi faire, il aligne les gaffes et peine à trouver sa place dans un milieu où chacun joue des coudes pour décrocher la plaidoirie capable de faire décoller sa carrière. Le jeune homme végète dans les bureaux depuis un an quand il réussit enfin à convaincre un confrère mieux placé de lui confier la rédaction d’un « mémo » sur une affaire mettant en cause une entreprise de pesticides, qu’il s’agit de défendre.
Au même moment, son médecin, peu diplomate (la scène est hilarante), lui diagnostique un cancer. Cette annonce change le regard des autres, celui de ses parents, qui se préoccupent enfin de lui, et surtout celui d’Elsa, avocate cador du cabinet (Clémence Poésy), qui voit dans la maladie de Louis une belle opportunité pour amadouer les plaignants atteints du cancer dans l’affaire des pesticides…
« Morale en phase terminale »
De manière générale, Louis manque de considération. Pour attirer l’attention, il essaie de faire plaisir à tout le monde : à sa mère Isabelle (Isabelle Nanty), ancienne avocate féministe devenue dépressive et peu soucieuse de qui il est vraiment, à ses collègues pétris d’ambition, à la belle et charismatique Elsa, qu’il veut séduire.
Louis est aussi gentil avec ceux du camp adverse, victimes de l’entreprise qu’il est payé pour défendre : Julien (Rabah Nait Oufella), un jeune homme condamné par la maladie, qu’il accompagne dans ses projets ou encore la fougueuse Hèlène (Géraldine Nakache), qui mène un combat plus ou moins désintéressé pour les malades. Mais derrière cette apparente gentillesse, Louis agit en fait exactement comme ceux qui le paient : sans scrupules, avec, comme le lui dit sans colère Julien, « une morale en phase terminale ».
Bruno, le voisin de Louis, apparaît comme une figure en contrepoint. Le jeune homme, incapable de ressentir une émotion après un AVC, profère sans aucun filtre tout ce qui lui passe par la tête. Personnage réjouissant, à des années-lumière de ses congénères et des préoccupations qui les animent, il est aussi celui qui s’avérera le plus émouvant.
Coup de théâtre
Le premier long-métrage de cet acteur et metteur en scène de théâtre pose un regard acidulé sur une société qui préfère la gagne aux valeurs humaines, le cynisme à la sincérité. C’est sur le ton de la comédie, avec un comique de situation orchestré comme une chorégraphie, et des dialogues rythmés, que le jeune réalisateur met en scène cette histoire qui oppose deux mondes. Au milieu, Louis, enfermé dans son mensonge, qui à force de danser d’un pied sur l’autre finit par se prendre les pieds dans le tapis.
Cette mise en scène très théâtrale sied à merveille à Vincent Dedienne, qui propose des scènes proches du cinéma muet tant il est expressif, à la manière d’un clown ou d’un mime, et à l’excellente troupe d’acteurs et d’actrices qui l’entourent. Isabelle Nanty est parfaite dans le rôle de la maman aux répliques en apparence anodines, en vrai assassines, Géraldine Nakache dans celui de la passionaria au langage fleuri, et Clémence Poésy en avocate immorale. Rabah Naït Oufella interprète avec nuance un malade du cancer plus fin qu’il n’y paraît, et Rudy Milstein est hilarant dans le rôle du voisin hors-sol.