Copyright MES Productions – F comme Film

À BICYCLETTE

Il est de ces films qui vous marquent durablement, qui changent la vie, ou qui vous aident à avancer. « À Bicyclette » fait partie de ceux-là. Parce que le projet est parti d’une démarche généreuse et humaine, celle d’un acteur et metteur en scène, Mathias Mlekuz (« Divorces« , « Persepolis« …), désireux de rendre hommage à son fils disparu, Youri, tout en se rapprochant de lui, en réalisant un voyage à vélo de La Rochelle a Istanbul, pour rencontrer au final la dernière femme à laquelle celui-ci a dit « je t’aime ». La démarche était certes personnelle, permettant aussi à son ami Philippe Rebbot d’exprimer son soutien et sa peine (ce qu’il est souvent difficile de faire dans les moments quotidiens), en étant présent, et aux deux hommes de mettre des mots sur leur souffrance. Et le partage de ce périple sous forme de film, montage des quelque 180 heures de rushes, est tout juste bouleversant, par notamment le choix d’un équilibre fragile entre humour et tristesse.

 

La situation permettant une expression sans filtre du manque, de la souffrance, du souvenir, de la chaleur amicale, les mots choisis paraissent ici toujours justes, parfois profonds, renvoyant à une conception de l’existence ou à une vie un temps mise entre parenthèses. L’aventure, mais aussi le film en soi, permettent le travail de deuil, le duo rejouant quelques photos prises par le défunt, cherchant à superposer leur regard sur les lieux qu’il a pu voir, se rapprochant de celui-ci en jouant les clowns (devant des enfants amusés, ou à une terrasse de café en trio avec le chien, qui est aussi du voyage), conservant les silences quand cela est nécessaire. Tout juste bouleversant, ce témoignage essentiel n’utilise une écriture préparée que pour donner le top départ de l’aventure et en exposer l’objectif (le discours de Mathias au bord de l’eau) et avec une actrice en Autriche, reconstituant l’accueil dans un Airbnb (l’un des passages les plus drôles du film), à partir des dires du fils disparu. Pour le reste, c’est la qualité du montage et le regard empli de tendresse de Mathias Mlekuz qui nous embarquent avec ces deux êtres humains, ne cachant rien de leurs sensibilités ou difficultés, et avec lesquels on se sent une étrange proximité en fin de projection. Un film profondément humain, à ne surtout manquer sous aucun prétexte.

(Olivier Bachelard, Abus de Ciné)

Écrire un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.