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LES ALGUES VERTES
Ce brûlot bien mené revient sur un drame écologique qui divise toujours la région.
Pierre Jolivet a dû ruser pour réaliser Les Algues vertes, brûlot entre film militant et thriller, dont il a cosigné le scénario avec Inès Léraud. Cette journaliste connaissait déjà l’histoire puisque c’est elle qui a révélé le scandale écologique causé par l’agriculture intensive, une lanceuse d’alerte incarnée par Céline Sallette dans ce film aussi palpitant que bien documenté.
« J’ai vite compris que le sujet est encore très sensible en Bretagne, raconte Pierre Jolivet à 20 Minutes. Certains agriculteurs nous accueillaient à bras ouverts et d’autres nous claquaient la porte au nez parce qu’ils craignaient qu’un nouveau coup de projecteur sur cette affaire nuise à leur gagne-pain. » Le réalisateur a donc dû ruser pendant le tournage qui s’est principalement déroulé dans le Finistère Nord et autour de Saint-Brieuc.
Un style « guérilla »
« Pour filmer les ramasseurs d’algues, je faisais semblant de me concentrer sur ma fille de 24 ans qui prenait des poses de mannequin, se souvient-il. Mais nous avons dû plier bagage après avoir été repérés. » Pierre Jolivet raconte avoir eu aussi du mal à obtenir des autorisations pour ses prises de vues. « Des élus locaux, qui soutenaient le projet, nous ont conseillé de travailler avec la caméra à l’épaule, précise-t-il. Si elle n’est pas posée sur un pied, on n’a pas besoin de permis. » Cela donne un côté petit « guérilla » fort bienvenu à la mise en scène de cette histoire pour laquelle le réalisateur dit s’être inspiré de la bande dessinée Algues vertes, l’histoire interdite de Pierre Van Hove et Inès Léraud (parue en 2019 aux Editions Delcourt).
« Devoir sans cesse être sur le qui-vive avait quelque chose d’excitant, avoue Pierre Jolivet. Comme si nous revivions un peu l’expérience de l’héroïne. On nous a parfois mis des bâtons dans les roues, mais nous avons aussi trouvé énormément de Bretons prêts à nous aider. »
Le succès des nombreuses avant-premières qui se sont déroulées en Bretagne rend le cinéaste optimiste. « Quelques agriculteurs sont intervenus lors d’un débat mais il s’agit d’un épiphénomène, confie-t-il. Dans l’ensemble, nous avons été très bien reçus. » Il devrait être aussi enthousiaste dans le reste de la France, en tout cas cette œuvre passionnante le mérite.
(Caroline Vié, 20 Minutes, publié le 10/07/2023)