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Le procès du chien
On croyait les jugements contre les animaux disparus depuis le Moyen-Âge. Laetitia Dosch les remet à la mode dans Le Procès du chien, comédie acide découverte à Cannes et récompensée pour son scénario à Angoulême. Un toutou qui a mordu plusieurs personnes et défiguré une femme se retrouve sur le banc (le coussin plutôt) des accusés au grand dam de son maître, un marginal joué par François Damiens.
Dans le film, le chien s’appelle Cosmos et il a pour nom Kodi dans la vraie vie. Ce croisé Griffon a remporté la Palm Dog 2024 sur la Croisette. « Je suis très fière qu’il soit cité au générique, explique Laetia Dosch à 20 Minutes. Le fait qu’il soit largement mis en avant correspond à l’esprit du film ». Elle joue le rôle d’une avocate résolue à sauver le chien menacé d’euthanasie dans son premier film comme réalisatrice qu’elle a coécrit avec Anne-Sophie Bailly. Son personnage souffre d’un souci handicapant dans sa profession. « Cette femme très investie est incapable de contrôler sa voix qui la trahit même quand ses arguments sont pertinents, » dit Laetitia Dosch.
Kodi superstar
Cette œuvre très librement inspirée d’une histoire vraie surprend constamment en mettant l’animal au centre du débat de façon originale. « Je me suis passionnée pour la cause animale dès mon spectacle Hate où j’avais un cheval pour partenaire, se souvient la comédienne. Quand on m’a parlé d’un procès autour d’un chien, j’ai eu l’idée de pousser le bouchon plus loin jusqu’à l’absurde parce que cela me permettait d’aborder plusieurs sujets qui me tiennent à cœur ».
Ce procès pas comme les autres ne tarde pas à déchaîner les passions. Dans le camp du chien, Jean-Pascal Zadi est épatant en dresseur. Dans la partie adverse, Anne Dorval est teigneuse à souhait en femme de loi à la mauvaise foi aussi irritante que jubilatoire. « La confrontation entre ces personnages aux points de vue différents interroge sur la place des animaux dans une société où la loi les considère encore comme des « choses », signale la cinéaste. Les femmes et les enfants ne sont guère mieux traités. » La victime de la morsure et le jeune voisin de l’héroïne constituent des exemples de cette dernière constatation. La réalisatrice ne prend pas parti, laissant le public se faire son opinion comme s’il était juré au procès.
Kodi superstar
Le suspense devient vite étouffant alors que la cinéaste soulève des thématiques passionnantes. Le chien est-il responsable de ses actes ? Doit-il être jugé comme un adulte et, surtout pourquoi ne s’attaque-t-il qu’aux femmes ? « Mon film est résolument politique et féministe, insiste Laetitia Dosch. J’espère qu’il fera rire mais qu’il provoquera aussi d’autres émotions et conduira le spectateur à une réflexion sur ces questions ». Cela fonctionne d’autant mieux que la mécanique du film est impeccable avec de grands moments de délire comme l’interrogatoire du chien ou les interventions de religieux de différentes confessions.
Le Procès du chien ne serait pas aussi crédible si le héros à quatre pattes n’était pas à la hauteur. Kodi est formidable parce qu’il peut se montrer tour à tour attendrissant et menaçant. « C’est un chien des rues, un pur bâtard qui a grandi seul avant d’être adopté. Il me semblait idéal pour représenter les laissés-pour-compte de la société, explique la cinéaste. J’estime qu’il est aussi un acteur à part entière qui comprend quand on dit » coupez » et qui sait s’arrêter avant de faire mal à ses partenaires humains ». On lui prédit une belle carrière comme celle du Border Collie Messi d’Anatomie d’une chute, lauréat de la Palm Dog 2023.
Tout un programme
Le Procès du chien regorge d’une humanité admirable qui ne tombe jamais dans la mièvrerie. « Ce chien est très mignon mais il est dangereux car il mord les femmes, insiste la réalisatrice. Il provoque des engueulades monumentales entre les féministes, les animalistes et la population qui prend fait et cause pour ou contre lui. Cette confrontation de points de vue est au cœur de l’intrigue. » Elle ose une fin très culottée qui en dit long sur sa façon de considérer le monde. « Je souhaitais garder une certaine légèreté mais ne pouvais pas me montrer plus optimiste que l’époque, » analyse-t-elle.
L’intelligence et la complexité de son propos séduisent tout autant que son esprit iconoclaste. « J’ai présenté mon film à Angoulême en disant qu’il comportait des chiens, des femmes, des enfants et des doigts dans le cul, rappelle Laetitia Dosch. C’est un bon résumé, non ? » On ne peut que valider ce programme alléchant témoignant d’une personnalité excentrique comme d’un talent aussi puissant que singulier.