Copyright Pascal Chantier

BOLÉRO

Mystérieux, Maurice Ravel ? Du moins discret, voire secret. Anne Fontaine s’intéresse à son année 1928, quand il crée son « Boléro », l’une des œuvres la plus jouée au monde, un tube de la musique classique.

 

Réalisatrice régulière, avec vingt-trois films depuis 1992, Anne Fontaine consacre son nouveau long-métrage à la composition, en 1928, du Boléro de Maurice Ravel, une des œuvres musicales les plus jouées au monde. Car il s’agit plus ici de la musique que de l’homme, même si les deux sont indissociables. […]

 

Un monde moderne

Dans le Paris 1928 insouciant de la haute société, la danseuse et chorégraphe Ida Rubinstein commande une œuvre pour ballet à Maurice Ravel. Il est, depuis 1918, considéré comme le plus grand compositeur français vivant. Mais s’il est habité par la musique, il se sent à cette heure incapable de la transcrire, d’écrire. Entouré de trois femmes, mondain, Ravel se recroqueville sur lui-même, se rappelle sa mère, ses échecs de jeunesse, le traumatisme de 1914, et ses amours impossibles pour en extraire son Boléro.

 

Les biopics musicaux sont nombreux : Amadeus de Milos Forman est inoubliable, et Ken Russell a mis en scène Tchaïkovski, Mahler et Liszt. Une des réussites d’Anne Fontaine est d’avoir réalisé plus le « biopic » d’un morceau de musique qu’une biographie de son compositeur. La réalisatrice inscrit le Boléro dans une époque, à travers sa perception par Ravel. La première scène, où le musicien est fasciné par le bruit rythmique assourdissant des machines dans une usine, introduit sa perception de l’ensemble du monde sonore, comme source de son inspiration. Si la nature y est majeure, l’industrialisation du monde moderne y participe désormais.

 

Trois femmes

Anne Fontaine évoque les années 1920 avec ravissement, servie par une superbe conception artistique, à l’image d’une des époques des plus sophistiquées, quand Paris tirait les dernières flèches de sa superbe. Raphaël Personnaz, qui joue Ravel, est de tous les plans, élégant, charmeur, sinon irrésistible, ce qui ne l’empêche pas d’aller au claque. Jeanne Balibar donne toute l’exubérance d’une Ida Rubinstein envoûtante, Doria Tillier est l’impossible amour et Emmanuelle Devos, la sœur d’âme. Une trilogie de la femme qui trouve son origine dans la mère de Ravel. Toutes sont aux yeux d’Anne Fontaine au cœur de Maurice Ravel. Aussi, du père, il ne sera jamais question.

 

La réalisatrice porte avec passion son sujet en favorisant l’émotion. Souvent nocturne dans ses lumières, passant de Paris à la Normandie, Bolero réjouit par son sujet : l’origine d’une création artistique. Expérimental, variation sur 18 minutes d’un thème qui n’en dure qu’une, le Boléro de Ravel conquit le public dès sa première représentation. Le film d’Anne Fontaine imagine sa création tout en levant le voile sur l’homme qui semble avoir voulu s’effacer derrière sa musique.

(Jacky Bornet, FranceInfo Culture, publié le 06/03/2024)

Écrire un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.