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ROSALIE

Avec « Rosalie », son deuxième film, Stéphanie Di Giusto retranscrit avec délicatesse le désir d’une femme de vivre sa différence et de se faire accepter comme telle, en premier lieu par son époux.

 

Rosalie prie pour que son futur époux l’aime. C’est l’une des premières images du dernier film de Stéphanie Di Giusto, Rosalie […].La cinéaste pose sa caméra sur une jeune femme pas comme les autres, incarnée par la comédienne Nadia Tereszkiewicz qui offre, avec une grande justesse, toute sa candeur au personnage d’une femme à barbe.

 

Grâce à un rasage minutieux, Rosalie cache un secret que son époux, Benoît Magimel, alias Abel, découvre durant sa nuit de noces. S’il l’a épousée pour sa dot afin de faire face à ses difficultés financières, Abel n’en espérait pas moins vivre auprès d’une « femme ». Rejetée par son compagnon, à qui elle a confié pourtant très vite son désir d’avoir des enfants, Rosalie décide de vivre sa différence et surtout de la mettre au service du café dont Abel est propriétaire et qui bat de l’aile.

 

Pour son deuxième film, tout comme pour son premier, La Danseuse, tous deux présentés à Un Certain Regard à CannesStéphanie Di Giusto s’est inspirée d’une femme qui a existé, Clémentine Delait, femme à barbe célèbre au début du XXe siècle.

 

La fiction construite par la cinéaste s’attache à montrer comment, après s’être remise du dégoût qu’elle semble inspirer à son mari, Rosalie décide de lui être utile en mettant à profit son apparence pour le salut financier de son foyer. La jeune femme sait qu’elle va éveiller la curiosité de la communauté dans laquelle elle vit dans cette France de 1870 et mise sur ce sentiment pour étoffer la clientèle du bistrot.

 

 

Choisir d’assumer son apparence envers et contre tout

La candeur et la joie de vivre de Rosalie, enfin libérée et libre, en font une personne naturellement attachante, même si sa maladie, l’hirsutisme, et le physique qu’elle lui confère heurte autant qu’il fascine. Le mot « monstre » fuse d’ailleurs dans la petite communauté dans laquelle elle débarque. Le dégoût, démontre Stéphanie Di Giusto, est une construction sociale bien relative. Le personnage d’une religieuse, s’adressant à Rosalie avec bienveillance, lui fait remarquer : « Nous sommes tous des cas à part, non ? »

 

Au fur et à mesure que Rosalie gagne en confiance, Abel peut la (re)découvrir et peut-être tomber amoureux de sa femme. Benoît Magimel rend bien compte de la frustration et de la curiosité qui habitent son personnage dont le point de vue va subtilement évoluer. Comment résister à cette Rosalie dont le charme est sublimé par la photographie ? Blancheur immaculée de la robe de mariée et tons pastel renforcent la délicatesse de l’héroïne que la caméra caresse en filmant évidemment au plus près. La somptueuse chevelure de Rosalie s’observe sous tous les angles, à l’instar de sa barbe, pour arriver à une même conclusion : tous ses poils sont beaux même si les seconds sont considérés comme disgracieux.

 

Le récit insiste ainsi sur la beauté et la sensualité d’une femme pleine de vie. Contrairement à ce que ses détracteurs voudraient laisser croire. Le regard lubrique de Barcelin, le créancier de son mari interprété par un Benjamin Biolay, en est l’irréfutable preuve. En explorant la pluralité des réactions face à la différence et en s’appuyant sur le très convaincant et sensible duo Tereszkiewicz-Magimel, Stéphanie Di Giusto offre une délicate et poignante expérience filmique avec Rosalie.

(Falila Gbadamassi, FranceInfo Culture, publié le 08/04/2024)

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