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CARMEN

Revenu à la création après avoir été directeur de la Danse de l’Opéra de Paris, Benjamin Millepied fait un détour par le cinéma avec un « Carmen » solaire.

 

Adapté au cinéma dans une vingtaine de films, l’opéra de Georges Bizet Carmen de 1875, inspiré de la nouvelle de Prosper Mérimée, vient naturellement à l’esprit d’un chorégraphe passant derrière la caméra. Ce Carmen, nourri de la cinéphilie de Benjamin Millepied et teinté de western, passe de l’Espagne imaginaire du XIXe siècle au Mexique contemporain, avec des airs de Nouvelle Vague colorée années 70. Un charme certain s’en dégage, à découvrir dans les salles à partir du mercredi 14 juin.

 

Partition originale

Jeune migrante mexicaine tentant de passer la frontière des Etats-Unis, Carmen tombe sur une patrouille américaine. Sauvée par le policier Aidan qui tue un de ses confrères en la libérant, ils sont poursuivis par les forces de l’ordre sur la route qui mène à Los Angeles. Ils font halte chez la tante de Carmen qui tient la Sombra Poderosa, un club hors du temps, dédié à la musique et à la danse.

 

Plutôt que reprendre la musique de Bizet, Benjamin Millepied a commandé au compositeur Nicholas Britell une partition originale à partir de laquelle il a construit le film. Le livret transpose l’action dans le cadre de la crise migratoire entre le Mexique et les Etats-Unis, mais à une époque et dans une forme visuelle qui rappellent les années 70. Tourné en fait en Australie, dont le désert rappelle le Mexique, le Carmen de Benjamin Millepied ne manque pas de personnalité.

 

Western lyrique

Rossy de Palma, qui ponctue de ses apparitions tout le film, en est la narratrice inspirée. Chauffé à blanc dans le désert et dans une bourgade peinte à la chaux, Carmen ne supporte pas d’autres couleurs que le rouge des passions et du sang. La première partie du film suit un road movie où les longues berlines américaines des années 70 remplacent les chevaux des western. Les chapeaux et les armes font aussi partie du décor, et le club fait office de saloon.

 

La fuite en avant de Carmen et d’Aidan rappelle celle de Jean-Paul Belmondo et d’Anna Karina dans Pierrot le fou de Jean-Luc Godard, mais filmée par le Wim Wenders de Paris,Texas. Benjamin Millepied est plus scénique une fois arrivé à la Sombra Poderosa, où il privilégie le cadre et une caméra très mouvante au milieu des chants et des danseurs. A partir d’un opéra, le metteur en scène trouve la juste forme filmique au croisement de la comédie musicale et de l’art lyrique. La jonction prend, tant dans la dramaturgie que dans l’art visuel et musical : beau spectacle.

(Jacky Bornet, FranceInfo Culture, publié le 13/06/2023)

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