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LE JEU DE LA REINE

Le Brésilien Karim Aïnouz apporte une belle facture historique à l’histoire de la sixième femme de Henry VIII.

 

Film historique sur Catherine Parr, sixième femme du roi Henri VIII d’Angleterre, Le Jeu de la reine du réalisateur brésilien Karim Aïnouz était en compétition au dernier Festival de Cannes.

Reparti bredouille, le film, à la facture classique, et la prestation de Jude Law, méconnaissable en Henri VIII, n’en sont pas moins remarquables.

 

Brumes et ténèbres

Sixième femme de Henry VIII, Catherine Parr subit le retour anticipé de son mari qui a été blessé au combat en France. Fantasque et brutal, il a fait décapiter deux de ses précédentes épouses, deux autres ayant été bannies, alors qu’une dernière est morte de maladie.

 

Régente efficace durant l’absence du roi, Catherine a ses faveurs, mais la blessure du souverain s’aggrave, ce qui le pousse à être de plus en plus méfiant envers son épouse. Influencé par l’évêque Gardiner, le roi se retourne contre sa reine. Catherine tente alors de déjouer avec ses dames de compagnie les pièges tendus par la cour, l’Église et le roi.

 

Karim Aïnouz peaufine une reconstitution du XVIe siècle britannique réaliste et sobre, teintée de brumes et de ténèbres métaphoriques. Elles suggèrent une époque confuse, dominée par une peste dévastatrice dans le royaume, la guerre avec la France et l’Espagne, et un souverain méfiant autant qu’imprévisible. Son conflit avec le pape, lié à ses multiples répudiations, sinon assassinats, et ses remariages, aboutira à l’instauration d’une religion nouvelle en Angleterre, l’anglicanisme.

 

Priorité aux acteurs

Répondre aux critères du classicisme est loin d’être péjoratif, s’agissant d’une narration chronologique, aux décors et costumes réalistes, avec un jeu convaincant de tous les acteurs. Telle l’interprétation de Jude Law qui incarne un Henri VIII vieillissant, bedonnant et diminué par la gangrène. Méconnaissable sous son maquillage, et ayant pris de l’embonpoint pour le rôle, il donne vie à son personnage surdimensionné sans trop en faire, tout en inspirant la crainte que suscitait le roi à la cour. La menace est partout, comme si elle suintait des murs.

 

Alicia Vikander ne démérite pas non plus en Catherine Parr, jouant tout en retenue, détermination et subtilité, dans ce double jeu qu’elle doit endosser pour sauver sa tête, entre soumission au roi et protection extérieure. Fidèle à ses convictions réformistes, contraires au dogme en vigueur, elle doit assurer sa propre sécurité mise à mal. C’est tout l’enjeu de sa destinée, à chaque coin de couloir menacée. Ce n’est pas la moindre des qualités du réalisateur Karim Aïnouz d’avoir privilégié ses acteurs dans sa mise en scène, où d’autres auraient préféré le faste et les effets. Le Jeu de la reine n’en est que plus beau et convaincant.

(Jacky Bornet, FranceInfo Culture, publié le 26/03/2024)

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