Copyright Atsushi Nishijima

BIRD

La fibre sociale et sociétale de la cinéaste se retrouve dans « Bird », portrait d’une fille très androgyne de 12 ans, prise à la charnière de l’enfance et de l’adolescence.

 

Après Red Road (2006), Fish Tank (2009), et American Honey (2016), Bird confirme la cohérence de la filmographie de la réalisatrice britannique que l’on pourrait voir comme un Ken Loach au féminin. Comme ce dernier, plusieurs fois récompensé au Festival de Cannes, Andrea Arnold est une des rares représentantes d’un cinéma d’outre-Manche talentueux, mais qui se raréfie.

 

Empathique avec ses personnages, mais sans jamais tomber dans l’excès ou le lyrisme, avec un œil très observateur et sensible, la cinéaste se renouvelle avec Bird […].

 

Les films d’Andrea Arnold sont souvent des portraits de jeunes femmes, où les intrigues révèlent leur personnalité. Elles sont obsédées par un homme perdu de vue dans Red Road, adolescente rebelle dans Fish Tank ou marginale sur les routes américaines dans American Honey. La cinéaste change de camp dans Bird, où elle se penche sur un fille prise à l’âge où s’amorce la maturité. D’une extrême sensibilité psychologique, Andrea Arnold aboutit dans Bird à une poésie du quotidien qui verse dans le fantastique dans sa dernière partie.

 

Dans le Kent, en Grande-Bretagne, Bailey, 12 ans, vit avec son frère Hunter dans un logement social plus ou moins légal, tous deux élevés par leur père Bug (cafard en anglais), séparé de leur mère. Laissé à elle-même, Bailey va rencontrer Bird (oiseau en anglais), un étrange jeune homme, détenteur d’un pouvoir qui va la faire basculer dans une autre dimension.

 

Réalisme fantastique

Très réaliste dans ses films, dont elle a écrit tous les scénarios, Andrea Arnold y frôle paradoxalement le fantastique, tant ses héroïnes traversent des expériences déstabilisantes. Elle change son braquet dans Bird avec Bailey, fille attachante et dévouée, au physique très masculin, qui s’occupe de son petit frère qu’elle emmène partout. À l’école, elle est un peu le souffre-douleur de la classe, mais elle accuse le coup avec recul, solitaire, mais entière et responsable. Sa rencontre avec Bird, ce jeune homme sorti de nulle part, est comme un cadeau du ciel qui va changer sa vie.

 

Ancré dans le quotidien d’une banlieue peu avenante, Bird bascule dans le fantastique dans sa dernière demi-heure. Une rupture de ton que l’on n’attendait pas de la réalisatrice britannique, mais parfaitement articulée avec ce qui précède. Cette rencontre est-elle vraie ou fantasmée par Bailey ? Bird est-il un ami imaginaire, révélateur d’un basculement dans la schizophrénie ? On ne le saura jamais vraiment. Mais cette rencontre la guidera vers une nouvelle vie, à un âge charnière qu’Andrea Arnold capte avec art.

(Jacky Bornet, FranceInfo Culture, publié le 29/12/2024)

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