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MAY DECEMBER

Le réalisateur a collaboré en osmose avec les comédiennes pour « May December ».

 

Mais comment fait-il ? Todd Haynes n’a pas son pareil pour pénétrer dans la psyché féminine. Il l’avait montré notamment avec Carol. Il va encore plus loin pour May December, découvert au Festival de Cannes puis montré au Festival de Deauville. Il y dirige deux grandes comédiennes, Julianne Moore et Natalie Portman, pour une réflexion sur leur métier au scénario cité aux Oscars.

 

La première est passée par la case prison pour avoir séduit un jeune homme mineur avec lequel elle a fondé une famille provoquant un véritable scandale. La seconde est une actrice censée l’incarner dans un biopic sulfureux tourné vingt ans après les faits. Le choc entre les deux va être tellurique quand elles se rencontrent pour la préparation du film. « Julianne et Natalie sont des Rolls, deux artistes au sommet de leur talent, explique Todd Haynes à 20 Minutes. J’étais le premier spectateur de mon film en les regardant affiner leurs performances en duo. Le processus était fascinant. » Il l’est tout autant pour le spectateur pris aux tripes par ce jeu de pouvoir dont les forces s’inversent progressivement jusqu’à provoquer des dommages irréversibles.

 

Une collaboration parfaite

« Je ne parlerais pas de direction d’actrices, insiste Todd Haynes, car cela impliquerait une notion d’autorité que je n’aime pas et qui me semblerait insultantes pour elles. Il s’agissait davantage d’une collaboration ou une osmose tant nous nous comprenions au quart de tour. » Le spectateur a l’impression d’être invité en coulisse pour découvrir comment se construit un personnage ce qui est d’autant plus intéressant que le film offre une véritable mise en abîme.

 

« Natalie joue une actrice qui doit incarner une femme qu’interprète Julianne, s’amuse Todd Haynes. Cela donne le vertige de considérer le film ainsi ! » C’est aussi ce qui fait l’intérêt de May December (dont le titre évoque une grande différence d’âge dans une relation). Plus encore qu’à l’affaire réelle dont s’inspire librement l’intrigue, Todd Haynes se passionne pour la notion de jeu d’actrices et l’égoïsme que peut impliquer la création. « Le personnage de Natalie a tout d’un vampire, explique-t-il. Elle est à peine consciente du fait qu’elle exploite son modèle et son entourage pour livrer une performance parfaite. J’ai connu des comédiennes et des comédiens qui lui ressemblent. »

 

Un pas de deux impeccable

Le réalisateur, qui collabore ici pour la cinquième fois avec Julianne Moore, se défend de l’avoir prise pour modèle « Julianne n’a pas besoin de phagocyter les gens pour être juste et Natalie non plus, insiste-t-il. Elles travaillent dans la bienveillance et la générosité. Je pense que cela contribue à les rendre époustouflantes. » Leur pas de deux impeccablement chorégraphié est un bonheur en même tant qu’une belle leçon de composition. Todd Haynes, chef d’orchestre à la présence discrète, a encore signé un beau film tout en délicatesse qui met en valeur ces dames aux talents complémentaires.

(Caroline Vié, 20 Minutes, publié le 23/01/2024)

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