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MOI CAPITAINE

Le réalisateur de « Gomorra » filme une fresque migratoire à travers l’Afrique, entre enfer et quête de liberté.

 

Après la mafia de Gomorra, la célébrité dans Reality, ou la vengeance dans Dogman, Matteo Garrone se consacre aux migrants dans Moi Capitaine qui sort mercredi 3 janvier. Film odyssée, en pleine actualité, il suit deux adolescents africains qui ont fait le choix de rejoindre l’Europe.

 

Souffle épique

Jeunes Sénégalais de 16 ans, Seydou et Moussa décident de quitter leur village pour migrer en Europe. Un périple de quelque 8 000 kilomètres les attend, où est mis à mal leur espoir d’une vie meilleure. Une traversée du désert, des guerres et emprisonnements, se succèdent sur leur route pour rejoindre la Libye, où ils espèrent traverser la Méditerranée pour l’Italie.

 

Précision et construction du récit, mise en scène prenante et montage rythmé se retrouvent dans les films de Matteo Garrone depuis Gomorra en 2008. Il se renouvelle dans Moi Capitaine, une épopée picaresque à travers l’Afrique d’ouest en est, vers l’Eldorado européen. Le réalisateur italien imprègne son film d’un souffle épique dans ce qui pourrait être un Lawrence d’Arabie du pauvre.

 

Miroir aux alouettes

La guerre du film de David Lean laisse place à un autre combat, et d’autres conflits. À la lutte contre les éléments dans la traversée du désert succèdent les hostilités en Libye, la prison, les gangs, les arnaques des passeurs… L’amitié et les espoirs de Seydou et Moussa résisteront-ils à l’épreuve ? Leur propre vie est menacée à chaque étape, dans un périple de tous les dangers, où les sentiments n’ont guère de place.

 

C’est pourtant la candeur dénuée de naïveté, éclairée d’intelligence, qui va guider Seydou, porté par une foi en lui-même et ses objectifs : extirper lui et les siens de la misère. Mais Garrone ne manque pas de noircir ce miroir aux alouettes que constitue l’Europe pour les jeunes Sénégalais, et beaucoup d’autres. De ce point de vue, Moi Capitaine évoque Bako, l’autre rive (1979), film essentiel sur le sujet de Jacques Champreux. Comme lui, Matteo Garrone privilégie la conviction et la force qu’en tire Seydou pour parvenir à ses fins. Mais le style épique et la photographie sophistiquée de l’Italien pourraient attiser des critiques visant l’esthétisation d’un drame humain. Toutefois, si Matteo Garrone filme avec ampleur son exode, c’est que les enjeux et investissements sont énormes pour ceux qui prennent la route et la mer.

(Jacky Bornet, FranceInfo Culture, publié le 01/01/2024)

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