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MASTER GARDENER

Aussi réguliers à l’écran l’un comme l’autre depuis les années 80, c’est la première fois que le réalisateur et la comédienne se retrouvent sur un film.

 

Révélé comme scénariste de Taxi Driver, Paul Schrader est vite passé à la réalisation avec vingt-cinq films au compteur depuis 1978. Le film de Martin Scorsese, Palme d’or à Cannes en 1976, traitait déjà du sujet de la rédemption qui ne le quittera plus. Jusqu’à Master Gardener qui sort en salles mercredi 5 juillet. Il s’adjoint Sigourney Weaver en propriétaire d’un jardin qu’elle fait entretenir par un horticulteur au lourd passé, incarné par un Joel Edgerton inspiré.

 

Théorème

Narvel (Joel Edgerton), horticulteur passionné et méticuleux, dévoué à la raffinée Miss Haverhill (Sigourney Weaver), doit prendre comme apprentie sa petite-nièce, Maya (Quintessa Swindell), jeune prédélinquante. Cette arrivée bouleverse la maison où s’installe un chaos révélateur des secrets de Narvel.

 

Auteur des scénarios de tous ses films, et pour d’autres réalisateurs, Paul Schrader peaufine la mise en scène suave et troublante de Master Gardener. Huis clos dans un jardin, son film a un parfum de Théorème de Pasolini. Comme « le visiteur » joué par Terence Stamp chez l’Italien, Maya va provoquer un désordre sensuel et dangereux dans la maisonnée. Identifiée à un ange exterminateur de la morale bourgeoise de l’époque (1969), dans Théorème, chez Schrader, Maya va démonter les présupposés éthiques de Miss Haverhill. En sanskrit, Maya signifie l’illusion de la dualité dans l’univers. Dans le film, c’est elle qui va révéler Narvel et Miss Haverhill à eux-mêmes, en les sortant de leur vision manichéenne du monde.

 

Rédemption

Le secret de Narvel, dont tout le torse est imprégné dans une image puissante, est le point de départ du chemin rédempteur qu’il va emprunter. Maya en sera la clé en ouvrant une brèche dans le mur des conventions, par ses racines urbaines transposées dans le jardin. L’horticulteur, lui, s’investit d’une mission pour laver ses fautes passées. Après l’apprentissage des plantes, étape de séduction, le sexe en sera la serrure. En parallèle, Miss Haverhill poursuit sa liaison bourgeoise avec son employé, et c’est dans sa jalousie qu’elle révèle sa colère à son égard et de sa protégée. Les premiers vont vers la lumière, la seconde vit une rédemption à l’envers, vers les ténèbres.

 

Paul Schrader peaufine son scénario et sa mise en scène. Tout en faisant appel à des archétypes, il n’est pas manichéen, mais interroge la dualité dans la rédemption. Taxi Driver (comme scénariste), HardcoreLa FélineSentinelle, autant de titres où l’auteur-réalisateur glisse son sujet de prédilection, arrivé à son parachèvement aujourd’hui. Jusqu’à la prochaine fois.

 

(Jacky Bornet, FranceInfo Culture, publié le 04/07/2023)

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